« Etrange contraste que celui-ci » | Rhys.

Cree. Cree. Le gravier crissait sous les foulées du jeune homme qui grimpait la légère côte d’un pas assuré. Il avait garé sa voiture en contrebas, sur le bas-côté de la route, afin de pouvoir avoir le plaisir de respirer le vent frais qui soufflait en ce milieu d’après-midi. Les arbres centenaires remuaient en fonction des différentes variations de la brise, faisant résonner le bruissement de leurs feuillages aux oreilles d’Ethan. Le jeune homme se sentait d’humeur joyeuse, pour une raison totalement inconnue. Après le repas du midi qu’il avait prit en compagnie de son bienfaiteur préféré, il s’était rué dans sa chambre, avait saisi son sac en bandoulière dans lequel se trouvait son carnet de croquis et ses outils, et avait prit la direction du garage. L’impulsivité n’était pas quelque chose de familier dans le caractère de jeune homme, mais ça lui avait donné le coup de fouet nécessaire pour partir à « l’aventure », comme il se plaisait à le dire.

Arrivé en haut de la pente, Ethan jeta un œil sur ce qu’il venait de grimper avec gaieté, et vérifia inutilement si sa voiture était encore en place. On ne sait jamais, que celle-ci ait décidé de rouler toute seule, mue par une force mystique. Le brun sourit face à ses propres idées. Il se retourna ensuite pour faire face à la demeure imposante, vestige des années d’or de la famille McLader. Maintenant, il n’en restait qu’une vieille bâtisse délabrée, dont la faune et la flore avaient reprit possession. Dans le jardin, clos par une immense grille en fer forgé rouillé, les herbes atteignaient de sacrées hauteurs, non sans faire penser au jeune homme aux jungles d’Asie ou d’Amérique Centrale. Le lieu avait tout de même quelque chose d’assez sinistre, bien que ça ne colle pas avec la journée ensoleillée et la vue qui s’étendait face à la demeure. L’eau limpide, les plages sablées en amont, tout cela ne cadrait pas avec l’édifice sombre des McLader. Mais d’un autre côté, c’est cela qui enchantait Ethan, bien que sous certains angles, le château lui donnait la chair de poule.

« Bien, allons-y… »

Et le jeune homme escalada la gr… top top top ! Non mais vous croyez quoi ? Ethan est un jeune homme innocent et doux comme un agneau (hum hum), il ne ferait jamais quelque chose de ce genre… seul. Reprenons. Ethan chercha du regard un coin où pouvoir s’asseoir tranquillement, sans risque d’être dérangé. D’un côté, qui viendrait visiter les vestiges d’une époque glorieuse pour une unique famille ? Personne. Le jeune homme était ici, lui, pour dessiner. S’asseyant en tailleur à l’ombre d’un épicéa, il ouvrit son sac et en sortit son calepin à grain, ainsi que son critérium. Il fit un léger gribouillis représentant un bonhomme avec des oreilles de chien, avant de lever son regard noisette vers sa tâche. Vu en contre plongée, la bâtisse était encore plus imposante que debout.

Il commença donc à croquer les bases de son futur dessin. Les représentations de bâtiments n’étaient pas ce qu’il préférait, mais il devait tout de même le faire. C’était une demande de son professeur à l’école d’arts, que les élèves aient touché un peu à tout avant de se lancer dans leur catégorie de prédilection. Pour Ethan, c’était tout ce qui touchait aux personnes : les portraits, les nus, les détails d’une partie du corps. Tout ce qui touchait à l’Homme en général, Ethan aimait le dessiner. Etrange de voir à quel point ce jeune homme d’apparence froide et distante aimait pourtant ses prochains.

Le brun était en train de peaufiner l’aile est du château quand…

Etrange. Le vent dans les branchages ne lui parvenait plus aussi fort que quelques instants plus tôt. Comme si quelque chose barrait, coupait le bruit si mélodieux des éléments de la nature. Ethan fronça imperceptiblement les sourcils, avant de détacher son regard de sa feuille désormais noircie. Une paire de chaussure ainsi que des jambes firent leur apparition dans son angle de vue. Une allure vaguement familière. Il remonta alors ses yeux jusqu’au visage du nouvel arrivant. Un sourire en coin vint fleurir sur ses lèvres, tandis que l’autre prenait la parole.

« Pas mal Ethan. Je ne savais pas que tu dessinais les bâtiments »

Ethan jeta un œil au château se situant près d’eux, puis sur son dessin. Le résultat n’était pas vraiment concluant. Il savait désormais qu’il devrait se cantonner dans ses sujets de prédilection, et non pas toucher à tout. Certes, cela ressemblait à la bâtisse face à eux, mais il manquait quelques choses techniques pour que le croquis soit acceptable. Un instant de fausse fierté vint le saisir, et, reposant son regard sur son ami, il ne put s’empêcher de se révolter.

« Pas mal ?! Tu veux rire. Ce dessin est simplement par-fait ! »

Certaines personnes qui n’auraient jamais rencontré Ethan se seraient insurgées de l’orgueil perceptible dans la voix du jeune brun, mais pourtant, dans ses iris noisette flambait la flamme de la malice. Il ne pensait pas un mot de ce qu’il venait de dire. Mais il aimait faire de l’ironie dissimulée, dont seules quelques personnes avisées seraient capables de déceler le faux du vrai.

« C’est une obligation de la part du professeur d’art. Même si je sais déjà dans quoi me lancer. » ajouta t-il plus sérieusement, ne plaisantant jamais bien longtemps sur sa passion.

Les yeux brillants, il observa Rhys, qui ne semblait pas dans son assiette. Et puis, d’où venait-il comme ça ? Sortait-il d’une nuit déjantée ? Les fêtes se faisaient généralement au Cape Meares, lieu des plus fortunés, assez frivoles pour organiser des soirées à tout va. Un air perdu passa sur le visage de son ami tandis qu’il observait les environs sauvages. Ah. Ils étaient apparemment deux à se questionner. Vu l’air qu’il arborait et l’état de ses vêtements, il n’y avait plus vraiment de doute possible. Ainsi que pour son mal de crâne supposé. Ca se voyait. Pas besoin d’être medium pour diagnostiquer un mal de tête dû à l’alcool. Une idée de vengeance germa dans son esprit. N’était-ce pas ce même homme qui l’avait réveillé, un lendemain matin de fête, plutôt bruyamment, à l’aide de musique plutôt tapageuse et d'un mégaphone ? Certes, son ami était encore sous l’effet de l’alcool durant cet épisode, la fête n’ayant jamais fini de toute la nuit. Mais Ethan avait mal reçu ce réveil, n’étant pas du matin, surtout après une soirée arrosée. Décidant de le taquiner, il parla donc un peu plus fort que ce qu’il aurait dû.

« Nuit mouvementée, mon cher Rhys ? »

J'ai observé son dessin quelques instants. C'était ressemblant. Bien sûr je n'y connaissais rien, j'avais toujours été médiocre en dessin et dans tout ce qui touchait à l'art, il m'était donc difficile de donner un avis objectif. Cependant je trouvais qu'il y avait une petite touche d'Ethan, une touche bien à lui, personnelle. Je n'aurais su dire quoi mais sur chaque dessin que j'avais déjà vu je trouvais que le style était reconnaissable. Ou alors je me faisais des films, je voyais des trucs qui n'existaient que dans ma tête. Peut-être que mes yeux me jouaient des tours ? En même temps mon cerveau n'était pas vraiment en état de fonctionner en ce moment.

e t h a n ▬ Pas mal ?! Tu veux rire. Ce dessin est simplement par-fait !

Je le connaissais assez bien pour comprendre qu'il ne pensait pas un mot de ce qu'il disait. Son ton était fier et orgueilleux mais j'avais réussi à sentir l'ironie. Je m'y habituais à force, même si j'avais été légèrement surpris au début. Mais ça m'avait plu. Je savais qu'il devait être peu fier de son dessin ; il aimait que les choses soient bien faites.

r h y s ▬ je n'en doute pas une seule seconde.
e t h a n ▬ C’est une obligation de la part du professeur d’art. Même si je sais déjà dans quoi me lancer.

Ethan n'aimait pas les croquis de bâtiments je le savais. Il préférait dessiner l'homme en lui-même. J'ai remarqué qu'il m'observait attentivement. Avec son petit sourire en coin. Se moquait-il de moi ? De ma tête endormie, de mes vêtements peu soignés ? Je n'étais pas au meilleur de ma forme, et je ne devais pas être très agréable à regarder. Je me suis demandé une fois de plus ce que je faisais ici et comment j'y avais atterri. J'ai regardé aux alentours comme si les arbres avaient réponses à mes questions mais je n'ai rien trouvé qui puisse m'aider. Peut-être que quelqu'un serait dans la capacité de me raconter ma soirée. Ezekiel était sûrement au courant. Il devait être au courant. Je passais chaque fête en sa compagnie. C'était donc impossible qu'il ne sache pas.

e t h a n ▬ Nuit mouvementée, mon cher Rhys ?

Evidemment il avait remarqué. Comment ne pas le voir ? Et j'ai remarqué la moquerie dans sa voix. S'amusait-il de moi ?

r h y s ▬ ne te moques pas de moi. mais à dire vrai je n'en sais rien. c'est le trou noir. je me suis réveillé ici dans la poussière sans aucun souvenir de ma soirée. mais elle a du l'être vu mon état. et je t'interdis de rire, je me pose des milliers de questions et ça ne me plait pas. au fait comment ça se passe avec le vieux ?

Je comprenais certains comportements chez Ethan, le fait qu'il soit gigolo et d'autres, mais ce que je ne comprenais pas c'est qu'il vive avec ce cinquentenaire alors qu'il était beaucoup plus jeune. L'argent peut-être ? Il gâchait sa jeunesse.

« Ne te moques pas de moi. Mais à dire vrai je n'en sais rien. C'est le trou noir. Je me suis réveillé ici dans la poussière sans aucun souvenir de ma soirée. Mais elle a du l'être vu mon état. Et je t'interdis de rire, je me pose des milliers de questions et ça ne me plait pas. »

Ethan avait esquissé un sourire espiègle suite à la réponse de son ami. Rhys le connaissait trop bien pour l’interdire de rire. C’est ce qu’il aurait fait sans le moindre remord si ça n’avait pas été le grand brun et si la situation était moins préoccupante. Ca n’aurait pas vraiment été méchant s’il avait rit. Disons juste que, les faits relatés, Ethan imaginait parfaitement les scènes. Dans le genre imaginatif, il n’y avait pas de grands rivales à Ethan. La conversation partant sur une pente qui ne plaisait guère à Rhys – Qui aimerait s’être réveillé dans un endroit inconnu, avec une absence de plusieurs heures dans sa mémoire ? Personne, donc sujet à éviter. – il détourna subtilement l’attention du dessinateur en s’enquérant.

« Au fait comment ça se passe avec le vieux ? »

Ethan étouffa un soupir, avant de se passer la main dans la nuque. Un toc survenant lorsqu’il devenait gêné. Chose peu commune, sauf lorsque cela touchait à sa vie privée. C’est certain, le jeune homme n’appréciait que peu ces questions, car cela remettait en avant sa position plus que douteuse sur l’île. C’était tellement singulier que c’était compliqué à expliquer, ne sachant pas par quel bout commencer. Pour lui, tout paraissait limpide. Mais les deux personnes à qui il en avait parlé avait mis un peu de temps pour tout comprendre. Et d’ailleurs, tout n’était pas tellement clair, vu la question de Rhys. Elle paraissait simple, à première vue. Mais officieusement, il y avait encore des incompréhensions.

Ethan vrilla à nouveau ses yeux dans ceux de son vis-à-vis, avant de répondre dans un souffle.

« Bien. Oui, bien. » Il continua plus doucement, gribouillant un des coins supérieurs de sa feuille d’esquisse. « On ne se voit pas tellement, tu sais. Il gère son entreprise, moi je traine à l’école d’art, ou bien avec vous. On se croise plus qu’autre chose…»

Il posa son crayon sur son carnet de croquis, avant de dresser ses coudes sur ses genoux. Appuyant sa tête dans le creux de sa main, il demanda d’un air résigné à son ami.

« Tournes pas autour du pot, Rhys, c’est pas ton genre. Qu’est-ce que tu veux savoir ? Je suis dans un bon jour. Mon karma est positif, et Jupiter est axé en même tant que Mercure dans notre direction. »

Ethan lui fit un franc sourire rieur, accompagnant ainsi ses paroles quant à sa bonne humeur. Il ne croyait pas en ces histoires de lunes, planètes et autres trucs mystiques, mais il adorait jouer le cliché type de la personne qui ne sort de chez elle qu’en fonction de son horoscope. Avec humour, évidemment. Qui sait ce qu’il lui arriverait si jamais il tombait sur une personne qui avait réellement foi en ces choses là. Il tapota ensuite de la main la place à ses côtés, invitant son ami à s’asseoir à ses côtés. S’il désirait réellement – une fois de plus – des explications, autant qu’il ne reste pas debout en plein soleil.